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« Hotel Roma », de Pierre Adrian : retourner à Cesare Pavese

« Hotel Roma », de Pierre Adrian, Gallimard, 192 p., 19,50 €, numérique 13 €.
Récent pensionnaire de la Villa Médicis et désormais résident romain, Pierre Adrian affirme son goût de l’Italie avec Hotel Roma, le beau récit qu’il consacre à Cesare Pavese (1908-1950). Révélé en 2015 par La Piste Pasolini (Equateurs), ce trentenaire, grand amateur de sports (il est chroniqueur à L’Equipe), a fait paraître plusieurs romans qui laissaient déjà deviner un compagnonnage intime avec l’écrivain piémontais : Les Bons Garçons (Equateurs, 2020) empruntait, par exemple, son épigraphe au Bel Eté, de Pavese (Gallimard, 1955), et Que reviennent ceux qui sont loin (Gallimard, 2022) tirait son titre du Métier de vivre (Gallimard, 1958), le célèbre journal posthume publié après le suicide de l’écrivain… Aussi n’est-on guère surpris de le voir s’engager aujourd’hui sur « la piste Pavese », à la faveur d’un récit de voyage – presque un pèlerinage – vers les lieux de naissance d’une œuvre.
Un tel voyage était-il planifié de longue date, comme une dette due à un écrivain adoré ? « Je n’ai pas le même rapport avec Pasolini qu’avec Pavese, explique l’auteur au “Monde des livres”. Je cherchais chez le premier un “meneur d’âmes” et j’ai trouvé chez le second un compagnon. Que reviennent ceux qui sont loin, mon livre précédent, en témoignait ainsi par son titre, mais aussi par le thème du retour, si important chez Pavese : le retour à l’enfance, à la maison, et le questionnement sur ce que cela signifie d’avoir un pays, un chez soi… A l’origine, j’avais surtout envie d’être dans les livres de Pavese, je pourrais presque dire que j’avais envie de devenir l’un de ses personnages. Et puis, en travaillant sur les textes, le désir est venu d’aller voir les collines du Piémont, de me balader dans Turin… »
C’est donc à Turin que s’ouvre ­Hotel Roma, dans la chambre où l’écrivain s’est donné la mort et où le récit affronte d’entrée une certaine mythologie du suicide, sans en être uniment déterminé : l’enquête littéraire s’emploiera plutôt, suivant l’ordre chronologique d’un voyage, à mettre en lumière des aspects variés du destin de l’écrivain, avant de revenir, fatalement, au « dernier été de Pavese ».
Sans doute Pierre Adrian, dont la veine est volontiers élégiaque, au risque parfois de quelque coquetterie, essaie-t-il de résister ainsi à une sorte de puissance de mort, dont le poids ombreux n’est pas absent de son livre, même s’il s’en défend : « Il y a bien sûr une ­attraction de Pavese, mais pas de ­fascination chez moi pour le suicide, même si mon livre commence par là. Et puis, il y a dans certains textes dont je parle, comme La Lune et les Feux [Gallimard, 1965] ou Le Bel Eté, une jeunesse et une énergie extraordinaire pour transmettre ce dont l’écrivain se sentait coupé… Hotel Roma, en ce sens, n’est pas un livre sur le suicide, c’est un livre sur un écrivain qui a fini par se suicider. »
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